vendredi 15 août 2008

Guerre de l’Internet en Géorgie : Acte II

L’ambassadeur de Russie à Washington a nié sans conviction que son pays ait organisé la mise hors service des sites Internet de la Géorgie. En revanche il a accusé les Géorgiens d’avoir bloqué dimanche le site de l’agence d’information russe Ria-Novosti. Le fait a été confirmé par RSF qui dresse également une liste des sites géorgiens attaqués. Par ailleurs, la même agence Novosti a répondu aux « propagandes géorgiennes » en protestant contre l’attitude du principal gestionnaire de réseau géorgien Caucasus online qui a coupé l’accès des sites russes aux citoyens géorgiens, ce qu’a fait également l’hébergeur universitaire Grena.
Autre contre offensive russe, faire annoncer que le piratage de l’Internet n’était que le résultat des exploits de jeunes hackers incontrôlés qui se sont amusés sur le réseau. Trois points rendent cette version à l’eau de rose totalement ridicule. Depuis plusieurs années, dans les pays soucieux de leur sécurité, les amateurs de piratage sur Internet ont été mis au pas. Il y a longtemps que l’on n’a pas vu un petit génie des réseaux se balader sur les serveurs du gouvernement russe car en Russie, les pirates sont mis en prison, ou passent sous contrôle des services de sécurité pour lesquels ils exécutent leurs basses besognes, ce qui permet aux services secrets une totale discrétion. L’attaque Cyber de la Géorgie a été parfaitement coordonnée avec l’attaque militaire russe. Les moyens utilisés sont considérables, à tel point que le site de la présidence de Géorgie qui avait réussi à se délocaliser aux Etats-Unis a continué à être bloqué par des pirates russes. Le patron de la société
Tulip System d’origine géorgienne n’en revient pas : « notre serveur d’Atlanta est saturé par des millions de messages, notre pare-feu à la limite de la saturation et nos ingénieurs ne dorment plus … »
Comment peut-on déterminer le niveau d’implication du gouvernement russe dans ce type d’action ? La manipulation étroite de la communauté des hackers est l’hypothèse la plus probable, ceux-ci disposant de tous les outils pour opérer efficacement comme l’a démontré un expert russe du
magazine Slate. Démêler l’information de l’intoxication dans ce domaine est donc impossible. Ceux qui savent ne parlent pas et ceux qui parlent ne savant pas.
La guerre de Géorgie restera néanmoins dans l’Histoire comme la première mêlant interventions militaires et guerre sur Internet. Le conflit en Irak a fait apparaître l’importance stratégique des télévisions internationales comme CNN. L’invasion de la Géorgie a révélé le rôle actif d’un Google. A noter également l’importance des observations et des analyses
des organismes de recherche qui suivent en permanence l’activité internationale d’Internet. Leur vigilance permet de démontrer la réalité de cette guerre électronique discrète mais redoutable où chacun avance masqué. L’implication des entreprises privées constitue ainsi une nouveauté radicale que les états-majors politiques et militaires sont en train de prendre en compte. La guerre du XXI° siècle a commencé.

mardi 12 août 2008

La Géorgie ne répond plus

Conscient que la guerre se gagne aussi sur le terrain de la communication, la Russie a doublé son offensive militaire contre la Géorgie par une véritable guerre électronique qui a paralysé les communications du petit pays. Dès samedi, le site Internet de la présidence géorgienne (http://www.president.gov.ge/) a été mis hors service par des attaques concertées (denial of service, DDOS) lancées à partir d’un puissant centre de commande et de contrôle.

Comme le remarque
le blog de Zdnet, le serveur est un Machbot couramment utilisé en Russie. Le virus est du type Pinch, un virus qui a souvent été employé en Russie. Les flux de messages destinés à mettre hors service les sites géorgiens sont ainsi rédigés : « Win + Love + in + Russia ».
Pour s’assurer une souveraineté complète des ondes, la Russie bombarde systématiquement les antennes relais des services de téléphonie portable en Géorgie, c’est ce qu’a remarqué l’envoyé spécial américain de National Public Radio. Seules les liaisons portables par téléphone satellitaire de type Iridium ou Thuraya fonctionnent encore. En effet,
la zone de couverture de ces services inclut la Géorgie. Lors d’une liaison satellitaire entre le président géorgien et CNN, un avion russe a survolé Tbilissi obligeant le Président Saakashvili à se réfugier dans un bunker alors qu’il accusait les Russes de se comporter comme à l’âge de pierre. La vidéo relatant cette évacuation est visible sur CNN mais, face à la demande de milliers d’internautes, souvent d’origine géorgienne, les séquences vidéos de CNN sont souvent inaccessibles. Restent les photographies de cette guerre, notamment celles du Spiegel, très impressionnantes.


Saturé par les assauts électroniques de la Russie, le site Internet géorgien
http://www.civil.ge/ a été contraint à transférer son service d’informations sur le domaine blogspot de Google. Cette opération s’est faite à l’initiative de Google et avec l’accord du département d’Etat américain qui souhaite que la Géorgie continue à se faire entendre.
Les sites géorgiens sont incapables de résister aux attaques russes, mais Google avec la puissance de son réseau et de ses serveurs n’a aucun mal à assurer la continuité du service de nouvelles sur la Géorgie. C’était la seule solution possible pour un pays enclavé dont les réseaux sont trop dépendants de l’hostile voisin russe ainsi que le démontre
le schéma de Packet Clearing House.
A noter également la solidarité active d’autres pays naguère attaqués par les cyber militaires russes. Ainsi si vous pouvez consulter le site du
Ministère des affaires étrangères de Géorgie, c’est grâce à un serveur du gouvernement estonien lequel a également envoyé en Géorgie deux experts en réseau capables de les aider à repousser les attaques électroniques de Moscou.
La guerre entre la Russie et la Géorgie met en évidence l’importance de la composante Internet. C’est une demie surprise si l’on se souvient des agressions russes contre les services Internet de l’Estonie en 2007. C’est d’ailleurs pour cette raison que
l’OTAN a créé en 2008 un commandement centralisé des cyber défenses symboliquement situé à Tallinn (Estonie). Ce centre doté d’équipements américains assure des missions de sécurité en communications et de défense électronique.
Autre leçon à retenir des événements de Géorgie, le rôle croissant des entreprises privées dans ce conflit. Il est très intéressant de noter que Google a pris résolument partie pour la Géorgie en lui offrant son infrastructure technique. Désormais des sociétés de l’importance de Google ne peuvent plus se confiner dans une prudente neutralité en cas de conflit international.

mercredi 6 août 2008

La photo pro à 5 dollars.

L’actualité du photographe professionnel est aujourd’hui directement menacée par l’essor des sites de photographies amateurs comme Istockphoto qui proposent pour quelques dollars d’excellents clichés réalisés par des amateurs éclairés. Un bon appareil numérique, photoshop, un ordinateur relié au site et le tour est joué . Actuellement, 25 000 participants y vendent leurs images entre 1 et 5 $. Réaction immédiate de Getty, l’agence pro la plus active, racheter le nouvel arrivant pour 50 millions de dollars. Le PDG de Getty explique « Quand quelqu’un est en train de dévorer votre marché, il vaut mieux que ce soit l’une de vos filiales ! » Avec une belle constance, Getty a ensuite signé avec Flickr pour vendre sur son réseau une sélection de clichés diffusés par le site communautaire. Mais dans le même temps, un nouveau site, Pixish, organise la mise en relation directe entre photographes et éditeurs. Aussitôt critiqué, le fondateur de Pixish s’est défendu : « Si vraiment, après trois jours d’existence, mon site est susceptible de tuer l’industrie des arts graphiques, elle mérite donc bien de mourir ». Plus sérieusement, Derek Powazek se défend en expliquant qu’il offre une alternative viable pour des milliers de photographes hors agences.

lundi 4 août 2008

Click, le public a du talent.

Est-ce que les visiteurs d’une exposition de photographies sont capables de choisir les clichés qui vont être exposés, un travail réservé aux conservateurs et aux experts. Le Brooklin Museum répond très concrètement à cette interrogation et le résultat est passionnant.
Voilà comment cette expérimentation artistique du plus haut intérêt a été organisée. Il s’agit de répondre à cette affirmation posée par l’essayiste
James Surowiecki « une foule diverse a plus de talent et de perspicacité dans ses décisions que quelques individus même qualifiés » dans son livre « L’intelligence de la foule ».
L’exposition CLICK se décompose en trois parties successives. D’abord
un appel aux contributions : des photographes sont sollicités pour répondre par mail et soumettre une œuvre photographique sur un thème proposé « le quartier de Brooklin en évolution » avec un commentaire joint. Dans un second temps, les travaux, rendus anonymes, sont soumis aux visiteurs qui choisissent et répondent aux questions sur leurs connaissances artistiques. Une exposition présente ensuite les œuvres choisies et leurs notations avec les différences repérées suivant les groupes de visiteurs participant. Le résultat est également commenté par des experts en art et en technologies. Il va falloir attendre quelques années avant qu’une expérience aussi intéressante se monte en France. A moins que ce post …