mercredi 9 janvier 2008

Bush au Moyen Orient : les secrets d'un voyage

Volte face de la Maison Blanche dans sa confrontation avec l'Iran, guerre prolongée en Irak, blocage des négociations entre Israël et les Palestiniens, Bush a huit jours pour argumenter et négocier avec ses interlocuteurs au Moyen-Orient. Son principal problème, expliquer pourquoi il "est important de contenir les ambitions agressives de l'Iran" alors que ses services de renseignement viennent d'annoncer dans leur dernière synthèse (NIE) que Téhéran a arrêté en 2003 son programme nucléaire militaire. Plusieurs facteurs expliquent l'apparente contradiction que Bush doit aujourd'hui assumer. L'échec cuisant de la stratégie de Bush au Moyen Orient est aujourd'hui flagrant et il ne lui reste plus qu'à se comporter en colombe. Toute velléité de confrontation sérieuse avec l'Iran est désormais abandonnée. Bush a également fait savoir aux Russes qu'il n'interviendrait pas dans leurs zones d'influence. Il a même été jusqu'à envoyer une lettre amicale au dictateur de la Corée du Nord, un des pays de l'axe du mal. Le New-York Philarmonic Orchestra ira ce printemps jouer à Pyong Yang et Condi Rice, après avoir déclaré que l'Amérique n'avait pas d'ennemis permanents, se dit prête à aller en Iran, en Syrie ou en Corée du Nord. Les élections iraniennes qui se tiennent au printemps 2008 sont pour Bush une opportunité à ne pas manquer. En faisant baisser la tension internationale, il favorise les modérés. Quelques jours après la publication de NIE, le leader modéré Rafsanjani s'est livré dans un discours à l'université, à une attaque en règle de la politique du Président Ahmadinejad. Ce dernier a besoin de la menace américaine pour maintenir son autorité. Les modérés ont donc aujourd'hui de bonnes chances de gagner les élections ce qui bouleverserait la donne dans toute la région. Sur le terrain, la violence a diminué d'intensité en Irak, des milices chiites pro-iraniennes collaborent avec l'armée américaine qui vient de libérer 9 agents iraniens précédemment accusés de terrorisme et d'espionnage. La récente provocation menée par quelques chaloupes de Gardiens de la Révolution contre l'US Navy ne peut suffire à raviver les tensions. Le rapport du Renseignement américain permet de redonner une crédibilité aux services d'espionnage américains brocardés par la communauté internationale pour avoir nourri l'administration américaine d'informations fausses sur la présence d'un programme d'armes de destruction massive en Irak. Aujourd'hui, la CIA annonce fièrement qu'elle sait recueillir et analyser de nouvelles informations et n'hésite pas à contredire de précédentes analyses. Nous voyons que ces facteurs expliquent le virage à 180° de Bush sur le dossier iranien. Ils expliquent également le scepticisme des meilleurs alliés des Etats-Unis. Le MI6 anglais estime le rapport américain peu pertinent, Nicolas Sarkozy croit toujours que l'Iran prépare la bombe atomique, opinion partagée par les experts israëliens. Plusieurs commentateurs ont rappelé les multiples bourdes de la CIA pour ce qui concerne les prévisons en matière de dissémination nucléaire, qu'il s'agisse des évaluations fantaisistes de l'arsenal de l'URSS, de la surprise de la CIA quand l'Inde et le Pakistan ont réalisé leur premier essai nucléaire. Sans parler des bobards sur les armes de terreur de Saddam Hussein. Le problème de fond vient d'un fait simple rarement énoncé dans la presse. Il n'y a pas de frontière nette entre nucléaire civil et militaire, la meilleure manière d'acquérir le savoir-faire pour fabriquer la bombe c'est de développer un programme nucléaire civil. Aux pays voisins d'apprécier ensuite le niveau de risque impliqué par ce programme. Un exercice difficile pour peu que le pays intéressé soit un peu cachotier, c'est ce que les contorsins de Bush nous démontrent. Reste qu'il ne faut peut-être pas en conclure que l'Iran, soulagé de la pression américaine, suive une voie belliciste. Optimistes, nous pouvons espérer que le voyage de Bush et le rapport du NIE est la première étape d'une détente durable se concrétisant par deux attitudes symétriques. Un engagement de l'Iran de soumettre l'ensemble de son programme nucléaire aux contrôles de l'IAEA et un engagement des Etats-Unis à renoncer à l'organisation d'un renversement du régime iranien.

1 commentaire:

Sahel a dit…

Très intéressant -l'aspect plus global que ce qui se joue au Moyen-Orient (Corée du Nord) m'avait échappé. Mais entre temps, Bush a de nouveau changé de ton, voir ses récentes déclarations sur le peu de crédit qu'il accorde au rapport du NIE. D'un point de vue iranien (glané au hasard sur Google News), ça donne ça :
http://www.iranmania.com/News/ArticleView/Default.asp?NewsCode=57078&NewsKind=Current%20Affairs
Nouveau revirement ? A moins qu'on appelle ça souffler le chaud et le froid...