lundi 31 mars 2014

La NSA coûte très cher

Il est impossible de déterminer le coût politique que les Etats-Unis paient en autorisant la NSA à espionner sans vergogne les amis et les alliés de l’Amérique. Perte de confiance, renversements d’alliances, mesures de rétorsions, les prix est incalculable.
Il est plus facile de mesurer le coût économique des dégâts produits par la NSA. La très sérieuse firme d’analyse Forrester parle de pertes à hauteur de 180 milliards de dollars frappant les activités d’hébergement et de routeurs. Et cela ne doit pas s’arranger puisque les firmes américaines de l’Internet ne peuvent pas s’appuyer sur une véritable réforme de la NSA qu’aurait dû imposer Obama.
Dans l’incapacité matérielle d’expliquer à leurs clients que le gouvernement a pris des engagements concrets pour limiter les intrusions de la NSA, les géants du web en sont réduits à dépenser des milliards de dollars pour sécuriser leurs réseaux et leurs équipements afin d’empêcher la NSA de s’introduire dans leurs systèmes.
La défiance qui s’est installée entre les multinationales du net et leurs clients fait le bonheur des concurrents européens qui s’ingénient à développer des solutions « à l’abri de la NSA ».


Comme pour rajouter à leur embarras, le secrétaire général de la NSA, Rajesh De, a déclaré que toutes les interceptions faites sur les activités de Google, Facebook et autres avaient été réalisées avec le plein accord de leurs dirigeants. Une déclaration solennelle faite devant le bureau américain des libertés civiles (civil liberties oversight board).

mercredi 26 mars 2014

Nouvelles révélations sur la NSA

Après huit mois de publications sur les activités secrètes de la NSA, on pouvait imaginer que la source Snowden allait se tarir. Il n’en est rien et, en un mois les scoops se sont succédé, accompagnés de plusieurs entretiens vidéos d’Edward Snowden depuis Moscou. Une liste exhaustive des opérations dévoilées peut être tracée.

-    La NSA a développé un dispositif automatisé qui permet d’implanter à grande échelle des malwares qui extraient les données d’un ordinateur et transforme cet ordinateur en station de surveillance audio et vidéo (application captivatedaudience). L’application Turbine peut infecter des millions d’ordinateurs simultanément à partir de trois bases, la Maryland, Misawa au Japon et Menwith hill en Grande-Bretagne.
-          Le GCHQ, partenaire anglais de la NSA, intercepte et conserve les échanges vidéo de 1,8 million d’utilisateurs du service de liaison vidéo de Yahoo. D’après eux, 5 à 11% de ces échanges ont une connotation sexuelle explicite. L’application Opticnerve peut être utilisée pour déconsidérer un adversaire ou le faire chanter.
-          La NSA a réussi à mettre au point une application qui lui permet d’enregistrer cent pour cent des conversations téléphoniques d’un pays, cet ensemble pouvant ensuite être consulté pendant un mois. Mystic garde en mémoire un mois de conversations téléphoniques, chaque journée s’intégrant automatiquement, le tout étant consulté par Retro. Il est probable que le Pakistan ait été la première victime de cette application.
-          La NSA a réussi à infiltrer le réseau interne du fabricant chinois d’appareils de télécoms Huawei et à espionner ses dirigeants. Ce qui est amusant c’est que Washington a dénoncé l’année dernière Huawei comme une entreprise suspecte d’espionnage.

jeudi 6 mars 2014

L’affaire Snowden dans l’actualité

A l’occasion de la sortie de mon livre sur l’Affaire Snowden, l’embryon d’un débat sur les conséquences de ces révélations se met en place aujourd’hui en France. 
Dans un entretien avec le Point du 4 mars, j’amorce déjà quelques pistes qui seront développées le 11 mars lors de la table ronde organisée à la Maison de l’Amérique Latine.
Quatre intervenants nous feront part de leurs réflexions sur ce sujet. Philippe Aigrain sur la société de surveillance que prépare la NSA. Duncan Campbell sur le rôle et l’importance des partenaires européens de la NSA (GCHR-DGSE). Maurice Ronai présentera les nouvelles offensives politiques et juridiques visant à limiter l’action de l’espionnage américain en Europe et aux Etats-Unis. Pour ma part, je donnerai une analyse des motivations qui poussent le gouvernement américain à utiliser la NSA sur tous les fronts.

L’après Snowden, c’est le thème d’un important colloque organisé à l’Assemblée Nationale par la chaire Castex de Cyberstratégie (IH EDN) le 13 et le 14 mars. J’y interviens le 13 mars dans la matinée pour analyser la manière dont les media ont été bousculés par les révélations de Snowden et le rôle des blogs militants.


A signaler également un article sur mon livre dans Sud-Ouest et un autre dans Libération.




samedi 1 mars 2014

Angela Merkel, chevalier blanc de la lutte contre la NSA

L’opinion publique allemande, traditionnellement sensible à tout ce qui concerne l’espionnage des citoyens, est aujourd’hui scandalisée par l’ampleur des écoutes de la NSA en Allemagne. La coalition au pouvoir (CDU-CSU) a donc dû multiplier les initiatives pour prouver qu’elle avait à cœur la protection de la vie privée de ses nationaux. Deutsche Telekom prépare un réseau de serveurs, de routeurs et de logiciels qui n’utiliseraient que du matériel européen. « Internetz » devrait en théorie être à l’abri des intrusions de la NSA.

Ces initiatives ont été prises après plusieurs mois de négociations infructueuses entre Allemands et Américains. Angela Merckel a d’abord pensé qu’elle était en position de force pour négocier un pacte de « non espionnage » entre les deux pays. Elle a demandé aux services secrets allemands (BND) d’obtenir de la NSA, comme préalable, un accès aux installations d’espionnage situées au sommet de l’ambassade des Etats-Unis et des indications précises sur l’interception de ses communications téléphoniques. D’après le quotidien Sud Deutsche Zeitung, les discussions n’ont rien donné et Merckel a été ulcéré par l’intransigeance d’Obama et de la NSA, bien décidés à ne pas aller plus loin que des excuses formelles. C’est alors que la chancelière s’est retournée vers les alliés européens. Elle s’est alors heurtée à la sourde hostilité des Anglais, bien décidés à saboter tout accord qui briderait l’activité de la NSA en Europe. La France semble aujourd’hui plus proche des Anglais que des Allemands puisque François Hollande, lors de sa visite à Washington, a manifesté une étrange soumission à Obama, annonçant que « la confiance mutuelle a été restaurée ». Sans doute estime-t-il que l’opinion publique française n’est pas assez informée et sensibilisée aux activités de la NSA en France pour qu’il soit contraint de manifester une quelconque préoccupation !