Saviez-vous que durant l’Occupation, les Français étaient
sous haute surveillance ? Le courrier était ouvert et les communications
téléphoniques écoutées systématiquement.
Si de telles mesures ne sont pas envisageables de nos jours,
à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale le gouvernement ne s’est pas privé de
le faire tant il lui paraissait important d’avoir connaissance de ce qui se tramait.
L’organisme chargé des écoutes s’appelle SCT, Service des Contrôles Techniques,
sa mission et sa constitution sont ultra secrètes. Chaque mois des milliers de
lettres sont dépouillées et les conversations téléphoniques retranscrites. La
défaite ne met pas fin à ses activités, bien au contraire, Pétain, soucieux de
connaître l’état d’esprit des habitants de la zone libre déploie le service
dans tous les départements sous son autorité.
Rapidement, cet organe ultrasecret de surveillance sert à
des fins policières : identifier les dissidents, repérer les ennemis de
l’Etat et faire la chasse aux juifs. 5000 fonctionnaires tenus au secret
travaillent dans l’ombre pour fournir quotidiennement aux dirigeants des
rapports sur ce qui se dit et s’organise.
A la tête du SCT on trouve Laval et son maître d’œuvre
Bousquet qui se servent d’une simple phrase dans une lettre ou d’un coup de
téléphone imprudent pour diligenter enquêtes et coups de filet. Bousquet, haut
fonctionnaire de police depuis 1936, féru de modernité, utilise à plein régime
fichiers et interceptions pour éteindre toute dissidence. La révélation de ce
livre, c’est bel et bien Bousquet qui conçoit et réalise le « Fichier
S » des individus dangereux pour la sûreté de l’Etat.
Autre secret bien gardé jusqu’à aujourd’hui, la
collaboration des services de Vichy avec les Allemands dans ce domaine car les
interceptions, tout comme les interrogatoires de police, sont régulièrement
communiqués à l’occupant.
Une dernière question se pose alors. Comment un organisme
aussi actif et stratégique a-t-il pu rester secret si longtemps ? La
réponse tient en quelques mots : à la Libération, les autorités gaullistes
reprennent à leur compte toute l’activité du SCT, mettant de côté 3
responsables trop proches de Laval et procédant à de nouvelles embauches. C’est
pourquoi les ravages faits par ce service ne furent jamais évoqués lors du
procès de Bousquet ni lors d’autres procédures. Aux historiens qui
s’interrogeaient à partir de quelques archives disponibles, il était expliqué
qu’il s’agissait d’un organisme public de sondage, une Sofres avant l’heure. Ce
n’est qu’aujourd’hui que la vérité peut être établie, Vichy a conçu et réalisé
un système de surveillance massive comme il n’en avait jamais existé.
Toutes ces copies de lettres et de conversations retrouvées
aux Archives sont un trésor pour l’historien qui suit au jour le jour, les drames
causés par la répression, par l’éloignement des prisonniers, par les
difficultés du ravitaillement, par l’angoisse de se faire repérer. Les
variations d’une opinion publique traumatisée et déboussolée sont manifestes
dans ces milliers de documents où l’on voit les correspondants s’épancher sans
imaginer qu’ils seront lus par des fonctionnaires sans état d’âme.
Cet ouvrage a été rendu possible par l’ouverture en 2015 des
archives de la période 39-45. Après un an de travail dans différents fonds
d’archives j’ai pu reconstituer l’activité des services secrets français. Ce
livre est à la fois une enquête sur les services secrets pendant la guerre et
un journal au quotidien de la vie de ces Français dans l’épreuve.
Conversations secrètes sous l'Occupation, Antoine Lefébure, Tallandier, février 2018.
REVUE DE PRESSE :
- Sept.info
- Thucydide
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