samedi 14 avril 2018

Révélations sur Vichy et l'Occupation

Saviez-vous que durant l’Occupation, les Français étaient sous haute surveillance ? Le courrier était ouvert et les communications téléphoniques écoutées systématiquement.
Si de telles mesures ne sont pas envisageables de nos jours, à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale le gouvernement ne s’est pas privé de le faire tant il lui paraissait important d’avoir  connaissance de ce qui se tramait. L’organisme chargé des écoutes s’appelle SCT, Service des Contrôles Techniques, sa mission et sa constitution sont ultra secrètes. Chaque mois des milliers de lettres sont dépouillées et les conversations téléphoniques retranscrites. La défaite ne met pas fin à ses activités, bien au contraire, Pétain, soucieux de connaître l’état d’esprit des habitants de la zone libre déploie le service dans tous les départements sous son autorité.
Rapidement, cet organe ultrasecret de surveillance sert à des fins policières : identifier les dissidents, repérer les ennemis de l’Etat et faire la chasse aux juifs. 5000 fonctionnaires tenus au secret travaillent dans l’ombre pour fournir quotidiennement aux dirigeants des rapports sur ce qui se dit et s’organise.
A la tête du SCT on trouve Laval et son maître d’œuvre Bousquet qui se servent d’une simple phrase dans une lettre ou d’un coup de téléphone imprudent pour diligenter enquêtes et coups de filet. Bousquet, haut fonctionnaire de police depuis 1936, féru de modernité, utilise à plein régime fichiers et interceptions pour éteindre toute dissidence. La révélation de ce livre, c’est bel et bien Bousquet qui conçoit et réalise le « Fichier S » des individus dangereux pour la sûreté de l’Etat.
Autre secret bien gardé jusqu’à aujourd’hui, la collaboration des services de Vichy avec les Allemands dans ce domaine car les interceptions, tout comme les interrogatoires de police, sont régulièrement communiqués à l’occupant.
Une dernière question se pose alors. Comment un organisme aussi actif et stratégique a-t-il pu rester secret si longtemps ? La réponse tient en quelques mots : à la Libération, les autorités gaullistes reprennent à leur compte toute l’activité du SCT, mettant de côté 3 responsables trop proches de Laval et procédant à de nouvelles embauches. C’est pourquoi les ravages faits par ce service ne furent jamais évoqués lors du procès de Bousquet ni lors d’autres procédures. Aux historiens qui s’interrogeaient à partir de quelques archives disponibles, il était expliqué qu’il s’agissait d’un organisme public de sondage, une Sofres avant l’heure. Ce n’est qu’aujourd’hui que la vérité peut être établie, Vichy a conçu et réalisé un système de surveillance massive comme il n’en avait jamais existé.
Toutes ces copies de lettres et de conversations retrouvées aux Archives sont un trésor pour l’historien qui suit au jour le jour, les drames causés par la répression, par l’éloignement des prisonniers, par les difficultés du ravitaillement, par l’angoisse de se faire repérer. Les variations d’une opinion publique traumatisée et déboussolée sont manifestes dans ces milliers de documents où l’on voit les correspondants s’épancher sans imaginer qu’ils seront lus par des fonctionnaires sans état d’âme.

Cet ouvrage a été rendu possible par l’ouverture en 2015 des archives de la période 39-45. Après un an de travail dans différents fonds d’archives j’ai pu reconstituer l’activité des services secrets français. Ce livre est à la fois une enquête sur les services secrets pendant la guerre et un journal au quotidien de la vie de ces Français dans l’épreuve.

Conversations secrètes sous l'Occupation, Antoine Lefébure, Tallandier, février 2018.

REVUE DE PRESSE :
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