La Bibliothèque de France est le théâtre de colloques et de tables rondes ouvertes à tous, souvent d’un excellent niveau. La table ronde du 12 mai avait pour thème : Nouvelles technologies et écriture de la presse. Faux débat ou vrai changement. En ouverture, Bénédicte Charles, responsable du site Internet de l’hebdomadaire Marianne relève un paradoxe, alors qu’Internet s’affranchit de toutes les barrières, décloisonne l’information et les audiences, les grands sites Internet d’information fédèrent autour d’eux des communautés de fidèles.
Edwy Plenel, ancien rédacteur en chef du Monde et patron du site Internet payant Mediapart se lance ensuite dans une brillante démonstration de l’importance d’Internet pour la presse. Premier phénomène à prendre en compte, la presse a perdu son monopole dans la médiation de l’information, chacun peut s’auto créditer, faire son blog. Second phénomène, la révolution que le numérique impose en réduisant à peu de choses les coûts de fabrication et de diffusion de l’actualité. C’est pourquoi Internet aujourd’hui est le lieu où s’élabore l’avenir de la presse d’information même si le numérique ne va pas tuer l’écrit, le papier. Autre élément fondamental, le rôle dans la presse en ligne du lien hypertexte qui permet au journaliste d’enrichir son article d’un accès à toutes les sources dans lesquelles il a puisé. Ces articles, enrichis, restent ensuite en disponibles sur le réseau.
Le plus grand atout d’Internet c’est qu’en supprimant la propriété de l’information par le journaliste au profit d’un réseau participatif. Les articles sont commentés par les internautes, les journalistes répondent aux commentaires, précisant et enrichissant leurs articles. Certes il y a des problèmes, des dérives comme dans tout système nouveau qui n’est pas arrivé à maturité. Reste un fait incontestable, la liberté d’expression et d’opinion est partagée entre les journalistes et les lecteurs, les journalistes se chargent de trier et d’amener les faits.
Pour Pierre Hasky, patron de Rue89, le point le plus positif de la presse en ligne c’est que le journaliste accompagne la vie de ses articles, répond et travaille avec la communauté des internautes. Les commentaires les plus intéressants, il y en a parfois 600 sur un article, sont isolés et mis en valeur. Ils laissent apparaître de réelles compétences, une anecdote : nous mettons en ligne un court article sur l’alcoolisme au lycée avec le lien sur le rapport officiel sur le sujet. Dans les commentaires un professeur nous raconte une expérience très intéressante vécue dans son établissement. Suite à nos encouragements, il rédige un article qui devient le plus lu dans sa catégorie.
Bénédicte Charles rappelle que dans son magazine, la plupart des journalistes ne supportent pas les commentaires, surtout quand ils sont critiques. A propos du travail du journaliste, elle soulève une tendance qui se développe, celle qui consiste pour ce professionnel à se borner à sélectionner les liens les plus intéressants. Mais qui va produire l’info en amont de ces liens ?
Plenel critique Le Monde qui utilise aujourd’hui une société marocaine pour pondérer les commentaires et rappelle que Mediapart n’hésite pas à investir sur de grandes enquêtes. Par exemple, une carte sur la précarité en France a été réalisée avec la technologie géocodée de Google ; une étude sur les ravages de l’industrie pétrolière en Amazonie ou encore la reconstruction en Irak.