Avec une valorisation boursière
avoisinant les 400 milliards de dollars et quelque 50.000 employés dispersés à
travers le monde, Google est aujourd’hui un acteur majeur de l’économie
planétaire et, par extension, des relations internationales. Sa suprématie
informatique n’est pas sans soulever des oppositions.
Julian Assange, le fondateur de
Wikileaks retranché dans l’ambassade londonienne de l’Equateur depuis le 19
juin 2012, souhaiterait d’ailleurs en prendre la tête avec son nouveau livre When Google met Wikileaks qui dénonce la
proximité dangereuse du géant informatique avec l’administration Obama. Pour
Assange, qui a rencontré le directeur de Google, Eric Schmidt, en 2011, ce
dernier est un brillant ingénieur jouant à merveille son rôle de ministre des
affaires étrangères de Google. Connu pour son audace et sa curiosité
insatiable, Schmidt s’est frotté au régime communiste de Pyongyang en janvier
2013, tentant de convertir cet « insoumis » aux bienfaits du village
global. La Corée du Nord a en effet l’insigne particularité d’être le seul pays au monde à n’être pas connecté à
la Toile. Il y a, semble-t-il, plaidé pour une entente cordiale fondée sur la
libre circulation de l’information. A ses côté, le fondateur de Google, Larry
Page, fait figure de chercheur « politique » qui ne pense qu’à
faire de Google la plus grande entreprise au monde. C’est accompagné de Jared Cohen, le directeur
de Google Ideas, une branche du géant informatique qui entend répandre la bonne
parole démocratique et faire du state building
sauce Google ou Obama (c’est au choix, mais pas d’inquiétude, ça a sensiblement
le même goût) un peu partout dans le monde, qu’Eric Schmidt a rencontré Julian
Assange, dans une petite maison de la campagne anglaise en juin 2011. Ils
eurent une longue conversation, à partir de laquelle, entre autre, Eric Schmidt
et Jared Cohen ont écrit « Le nouvel
âge digital ».
Le livre précédemment cité de Julian Assange est à sa manière une réponse à
l’ouvrage de ces deux édiles. Assange y soutient notamment que Jared Cohen, un
proche d’Hillary Clinton, joue les VRP de luxe pour l’administration Obama,
quand Schmidt, qui a sponsorisé avec une souplesse idéologique sans commune
mesure les campagnes politiques successives d’Al Gore, George W. Bush, Obama et
Hillary Clinton… Et Assange d’ajouter que Google est aujourd’hui l’entreprise
américaine la plus investie dans l’installation, aux Etats-Unis, d’un vaste
système de contrôle et de surveillance électronique de la population. La fin de
la notion de vie privée, ce qu’a publiquement annoncé Eric Schmidt, semble donc
être le corrélat, sinon la conséquence, de la mise en coupe réglée de la
planète par Google.
Dans les années 1970, les
sociétés informatiques étaient clairement liées au complexe
militaro-industriel. Aujourd’hui, les services de la communication de Google ou
d’Apple font leur possible pour montrer un visage convivial voire amical
(« friendly ») de leur entreprise. L’ère de l’optimisme technologique
commença avec la promesse d’un internet libérateur de la création individuelle,
Google étant le grand organisateur de l’information en ligne librement
accessible.
Aujourd’hui Assange accuse Google
de partager ses connaissances et ses renseignements avec la NSA, Apple de
plafonner les salaires dans l’industrie des hautes technologies et de mener une
politique de relations publiques visant à limiter toute opposition structurée.
Malgré ces mises en cause récurrentes de Google dans la presse, le grand public
reste fermement convaincu de l’opportunité individuelle et sociale d’utiliser
son moteur de recherche, sa messagerie (Gmail), ses services de cartographie et
de localisation (Google Maps)… Récemment, l’entreprise a néanmoins perdu un
« gros client » : dans une déclaration publique, Mathias Döpfner,
patron du célèbre groupe éditorial allemand Axel Springer, a dit craindre le
pouvoir acquis par Google. Et d’ajouter que le géant américain menaçait
désormais grandement l’indépendance des médias.