jeudi 22 octobre 2009

Obama et la lutte contre le terrorisme (III)

« On le distinguait parfaitement sur l’écran ! Il était allongé sur le dos sur la terrasse de la maison d’un village. Autour de lui un groupe de personnes. » C’est le récit du ministre de l’Intérieur pakistanais à une journaliste du New Yorker racontant ce qu’il avait vu lors de la diffusion d’images enregistrées par un drone américain. Le héros involontaire de cette séquence Baïtullah Mehsud, leader des Talibans du Pakistan dont la tête avait été mise à prix comme responsable de la plupart des attentats suicide dans le pays. Aussitôt identifié, le chef taliban reçut deux missiles Hellfire lancés par le drone Predator. Quand le nuage de poussière qui enveloppait la maison se dissipa, les Américains comptèrent onze cadavres. Le chef taliban, sa femme, son beau-père, sa belle-mère, son adjoint et sept gardes du corps.

Cela s’est passé le 8 août 2009 à Zanghara, un hameau du Sud Warziristan. Mais tout a été télécommandé depuis les Etats Unis par des « pilotes en fauteuil » qui ne prennent aucun risque mais qui, pour se conditionner enfilent leur tenue de combat pour travailler. Le plus surprenant est que les dits pilotes souffrent encore plus que les aviateurs de terrain de traumatismes liés à leurs actions !


La politique américaine rejoint celle pratiquée par les Israéliens, à savoir, des assassinats ciblés qui essaient autant que faire ce peut de limiter les victimes innocentes. Pourtant, aucune déclaration politique, aucun texte de loi n’est venu encadrer cette guerre nouvelle qui fait des centaines de victimes dans un pays, le Pakistan, qui est un allié des Etats-Unis. La doctrine Bush revenait à justifier l’assassinat de suspects de terrorisme sur la base d’une « légitime défense par anticipation » qui a permis bien des dérives. Aujourd’hui Obama a considérablement développé cette guerre technologique, virtuelle mais meurtrière avec le risque d’installer un conflit permanent et secret puisque la presse n’a pas accès aux zones tribales du Pakistan ; le Pentagone dispose d’une liste de terroristes à éliminer, la Joint Integrated Prioritized Target List de 410 noms où se trouvent sympathisants d’Al Qaïda, Talibans et Afghans financiers des Talibans. Chaque nom a son propre statut, certains peuvent être abattus dès qu’ils sont signalés, d’autres ne peuvent être ciblés qu’avec des autorisations spécifiques. Le contexte est également pris en compte, pour certaines cibles il est autorisé de risquer d’importantes pertes civiles alors que d’autres seront épargnées si leur mort entraîne des victimes innocentes.


Alors que les conséquences politiques et morales de cette stratégie d’assassinats ciblés ne sont encore discutées nulle part, on peut craindre que s’installe désormais cette pratique dans la géopolitique mondiale pour la simple et bonne raison que l’administration Obama n’a pas d’autre alternative à la lutte contre Al Qaïda et ses alliés.

lundi 12 octobre 2009

Obama et la lutte contre le terrorisme : les avions sans pilotes.(II)

Dans les zones autonomes du Pakistan où l’armée ne se risque guère, circulent insurgés Talibans et militants « arabes » de la nébuleuse Al Qaïda. Depuis trois ans ces derniers sont la cible privilégiée de la CIA qui, aujourd’hui, réalise un véritable massacre dans les rangs de l’organisation terroriste.
Le secret de leur réussite tient en deux mots : des espions et des
drones Predator. La CIA dispose dans les zones tribales d’un réseau très efficace d’espions chargés d’identifier et de cibler l’activité des amis de Ben Laden. Militants retournés, anciens membres des services spéciaux pakistanais, ils sont équipés de petits appareils en apparence inoffensifs tels le Phoenix 1.5, un petit émetteur infrarouge qui permet de marquer une cible potentielle pour un Predator en vol. Ce gadget redoutable ainsi que d’autres équipements du même type sont fabriqués par Cejay Engineering et utilisent une simple pile de 9 volts tout comme les balises radio UHF qui permettent de géolocaliser une cible grâce au récepteur du drone. Enveloppé dans un papier cigarette, collé à un mur ou sur une voiture, dissimulé sous une pierre, dans le sable, le dispositif est mis en place par un agent local. Arrêté par les talibans, Mohammed Nasir a confessé être payé 12 000 $ pour un ciblage réussi. Aussitôt son témoignage enregistré sur une vidéo, il fut exécuté comme près de 100 vrais ou supposés « espions de la CIA » au nord Warizistan. Etre pris dans ces régions avec l’un de ces petits transmetteurs, désormais bien connus des talibans, c’est courir à une mort certaine.
Le travail de terrain des espions de la CIA devient terriblement efficace si on se rend compte de l’importance du dispositif déployé en amont. Le commandant en chef des forces américaines en Afghanistan choisi par Obama est le Général Stanley Mac Chrystal, un spécialiste des opérations spéciales et des coups tordus considéré comme un psychopathe par plusieurs hauts responsables américains. Les programmes secrets (black programs) pour l’Afghanistan et le Pakistan sont déjà chiffrés à 37 milliards de dollars pour 2009 soit 17% du budget militaire américain. Et les Predators constituent
la botte secrète de ce dispositif. Ces drones volent à haute altitude et ne sont pas repérables, ils filent à 700 km/heure, disposent d’un radar de recherche au sol ultra perfectionné et tirent leurs missiles Hellfire sur les cibles marquées par les mini émetteurs installés. 35 Predators patrouillent en permanence dans le ciel. 286 attaques ont ainsi été effectuées en 2008, 430 en 2009 et plusieurs centaines d’extrémistes ont été tués. Le Warizistan Nord est devenu une zone hautement risquée pour les ennemis des Etats-Unis et ces derniers craignent que les avions sans pilotes attaquent leurs cibles dans le Balouchistan, autour de la ville de Quetta qui est encore un refuge sûr pour les Talibans.

jeudi 8 octobre 2009

Obama et la lutte contre le terrorisme

Une opération anti-terroriste américaine d’une audace sans précédent vient de se dérouler en Somalie sans attirer l’attention des media. Le 21 septembre, six hélicoptères de combat AH-6 ont décollé d’un navire de guerre américain longeant côtes somaliennes. A leur bord des troupes ultra entraînées des forces spéciales américaines, les Navy Seals. Leur cible, un 4x4 transportant quatre hauts responsables du mouvement islamiste radical Al-Shabaab proche d’Al Qaïda. Depuis plusieurs mois, grâce à des infiltrations et à des écoutes électroniques, les services secrets américains suivaient les activités de ce groupe qui contrôle une large zone du Sud de la Somalie. Deux tendances s’affrontent dans cette milice, l’une est partisane d’une lutte nationale, l’autre souhaite faire appel à des forces internationales liées à la nébuleuse Al Qaïda. Un des leaders de cette tendance est une vieille connaissance des Américains : Saleh Ali Saleh Nabhan, soupçonné d’avoir participé à l’attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Nairobi en 1998 qui fit 200 morts. On trouve également sa trace derrière l’attentat de 2002 contre un hôtel à Mombasa possédé par des Israéliens. Ce citoyen du Kenya a ensuite trouvé refuge en Somalie où il devint un des leaders d’Al-Shabaab. Il y a quinze jours, le Président Obama signa une autorisation pour éliminer cet homme. Protégé par deux pick-up remplis de gardes du corps, le 4x4 noir faisait route vers Mogadiscio quand quatre hélicoptères ont ouvert le feu sur les véhicules de protection et deux autres sur le 4x4. Malgré la riposte des miliciens, les six membres du groupe terroriste furent tués. Les deux hélicoptères se posèrent et récupérèrent les cadavres de leurs ennemis avant de rejoindre le navire.
Ainsi se termina la première grande opération anti-terroriste de l’administration Obama, un succès complet dû à la qualité des renseignements de terrain et à l’audace et au professionnalisme des militaires du Navy Seals.
Les partisans d’Al Qaïda en Somalie sont quasiment décapités même si cela ne règle pas les problèmes immenses de ce pays en proie à l’anarchie. Deux jours plus tard, des kamikazes d’Al-Shabaab pénètrent grâce à deux véhicules maquillés en véhicules de l’Union Africaine et font sauter leurs véhicules devant la base de la force d’interposition faisant 21 morts et 40 blessés parmi les troupes kenyanes. La Somalie risque de devenir le champ de bataille permanent entre islamistes radicaux et modérés. Le sort de l’agent de la DGSE pris en otage par la milice Al-Shabaab devient critique alors même qu’elle exige en échange de sa libération l’arrêt de l’aide française au gouvernement de transition somalien.