dimanche 25 mai 2014

Même au Sénat on s’agite sur le problème de l’espionnage électronique !

Les révélations d’Edward Snowden amènent les autorités françaises à multiplier les discussions publiques sur les atteintes aux libertés dans l’espace numérique. C’était le thème de la journée d’étude du Sénat du 22 mai. En ouverture, Philippe Aigrain, cofondateur de la Quadrature du Net, a démontré que la constitution française rendait possible un accueil de Snowden en France dans le cadre de la protection d’un individu en danger. Sur le problème de l’indiscrétion des réseaux sociaux Aigrain a rappelé le principe du contrôle souverain de l’utilisateur sur ses données.
Benoît Tabaka, directeur des politiques publiques de Google, a indiqué que 400 ingénieurs de l’entreprise travaillent pour sécuriser le réseau où le cryptage est passé de 1024 à 2048 bits. Je suis intervenu sur le sujet en m’étonnant que Google ne profite pas de cette tribune pour expliquer que l’entreprise ne pouvait pas réaliser une sécurisation de ses services et que la balle était dans le camp du pouvoir exécutif. Mettre en avant des initiatives techniques n’était que de la poudre aux yeux car elles ne pouvaient pas contrecarrer des intrusions étatiques ! Alain Bazot, patron de Que Choisir, a fait part d’un sondage sur 60 000 personnes démontrant que la vie privée était une vraie valeur pour tous avant de qualifier les « conditions générales » des réseaux comme Facebook de rhétoriques, opaques voire elliptiques. Pour que les utilisateurs soient, non pas protégés, mais informés et responsables, il faut ouvrir aux utilisateurs la boîte noire des prestataires Internet.

L’après-midi, nous avons abordé le brûlant sujet des écoutes. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) est l’organisme administratif qui contrôle les écoutes demandées par le gouvernement dites « écoutes administratives ». Réalisées en cas de nécessité impérieuse et sur des objectifs définis, elles sont aujourd’hui au nombre de 2150 pour une durée de 4 mois renouvelables. Principale cible, le crime organisé suivi par le terrorisme. Dans chaque ministre, il n’y a que deux personnes qui peuvent faire une demande d’écoute qui est transmise au Premier ministre et validée a priori par la CNCIS. Ce dispositif est remis en cause par la nécessité de traiter du problème des meta-données et de la géolocalisation. Ces écoutes doivent être distinguées des écoutes judiciaires qui sont demandées par un juge et beaucoup plus nombreuses.
L’intervention du député socialiste Jean-Jacques Urvoas a constitué en un plaidoyer pour des services de renseignement qu’il estime bridés dans leur action par un manque de moyen et un carcan juridique qui empêche par exemple les croisements de fichier. Il rend grâce à Sarkozy d’avoir créé une délégation parlementaire au renseignement qui sera bientôt remplacé par une autorité administrative assurant un contrôle permanent des services de renseignement.
Le préfet Alain Zabulon, coordinateur national du renseignement  à l’Elysée, nous a ensuite expliqué que les services secrets ont maintenant appris à travailler ensemble et avec les services étrangers. La menace est réelle, 300 djihadistes français s’entraînent en Syrie, menace diffuse. Pour autant, les services doivent être sous contrôle et ce n’est pas parce qu’on peut faire quelque chose techniquement que cela est fait. Je suis intervenu pour rappeler les errements de la NSA et poser une question précise à Monsieur Zabulon : «  si prochainement un document Snowden révélait que la DGSE, dans le cadre de son partenariat avec le GCHQ anglais, s’était livrée en 2012 à des activités « criminelles » vis-à-vis du droit, est-ce qu’il pourrait dire aujourd’hui au Président de la République que ce type d’activité n’avait plus lieu ? » Bien embarrassé, Zabulon n’a pas directement répondu soit parce qu’il ne sait pas, soit parce qu’il ne peut pas s’engager pour un service qu’il ne fait que superviser. Cela a pourtant été l'occasion pour lui de préciser la position du gouvernement. Nous ne ferons pas dans le secteur des écoutes, des opérations massives de type chalutage qui sont illégales, coûteuses et inutiles. Nous ne faisons que des harponnages ciblés.

En conclusion Guibert de la Ligne des Droits de l’Homme a insisté sur la nécessité de corriger l’asymétrie entre l’état tout puissant et le citoyen, l’importance de ne pas attenter aux libertés pour un motif d’efficacité, en gardant une transparence réelle conservant à l’institution judiciaire sa prééminence et son indépendance.

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