Les révélations d’Edward Snowden amènent les autorités françaises
à multiplier les discussions publiques sur les atteintes aux libertés dans
l’espace numérique. C’était le thème de la journée d’étude du Sénat du 22 mai.
En ouverture, Philippe Aigrain, cofondateur de la Quadrature du Net, a démontré
que la constitution française rendait possible un accueil de Snowden en France
dans le cadre de la protection d’un individu en danger. Sur le problème de
l’indiscrétion des réseaux sociaux Aigrain a rappelé le principe du contrôle
souverain de l’utilisateur sur ses données.
Benoît Tabaka, directeur des politiques publiques de Google,
a indiqué que 400 ingénieurs de l’entreprise travaillent pour sécuriser le
réseau où le cryptage est passé de 1024 à 2048 bits. Je suis intervenu sur le
sujet en m’étonnant que Google ne profite pas de cette tribune pour expliquer
que l’entreprise ne pouvait pas réaliser une sécurisation de ses services et
que la balle était dans le camp du pouvoir exécutif. Mettre en avant des
initiatives techniques n’était que de la poudre aux yeux car elles ne pouvaient
pas contrecarrer des intrusions étatiques ! Alain Bazot, patron de Que
Choisir, a fait part d’un sondage sur 60 000 personnes démontrant que la
vie privée était une vraie valeur pour tous avant de qualifier les
« conditions générales » des réseaux comme Facebook de rhétoriques,
opaques voire elliptiques. Pour que les utilisateurs soient, non pas protégés,
mais informés et responsables, il faut ouvrir aux utilisateurs la boîte noire
des prestataires Internet.
L’après-midi, nous avons abordé le brûlant sujet des
écoutes. La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité
(CNCIS) est l’organisme administratif qui contrôle les écoutes demandées par le
gouvernement dites « écoutes administratives ». Réalisées en cas de nécessité
impérieuse et sur des objectifs définis, elles sont aujourd’hui au nombre de
2150 pour une durée de 4 mois renouvelables. Principale cible, le crime
organisé suivi par le terrorisme. Dans chaque ministre, il n’y a que deux
personnes qui peuvent faire une demande d’écoute qui est transmise au Premier
ministre et validée a priori par la CNCIS. Ce dispositif est remis en cause par
la nécessité de traiter du problème des meta-données et de la géolocalisation.
Ces écoutes doivent être distinguées des écoutes judiciaires qui sont demandées
par un juge et beaucoup plus nombreuses.
L’intervention du député socialiste Jean-Jacques Urvoas a
constitué en un plaidoyer pour des services de renseignement qu’il estime
bridés dans leur action par un manque de moyen et un carcan juridique qui
empêche par exemple les croisements de fichier. Il rend grâce à Sarkozy d’avoir
créé une délégation parlementaire au renseignement qui sera bientôt remplacé
par une autorité administrative assurant un contrôle permanent des services de
renseignement.
Le préfet Alain Zabulon, coordinateur national du
renseignement à l’Elysée, nous a ensuite
expliqué que les services secrets ont maintenant appris à travailler ensemble et
avec les services étrangers. La menace est réelle, 300 djihadistes français s’entraînent
en Syrie, menace diffuse. Pour autant, les services doivent être sous contrôle
et ce n’est pas parce qu’on peut faire quelque chose techniquement que cela est
fait. Je suis intervenu pour rappeler les errements de la NSA et poser une
question précise à Monsieur Zabulon : « si prochainement un document
Snowden révélait que la DGSE, dans le cadre de son partenariat avec le GCHQ anglais, s’était livrée en 2012 à des activités « criminelles »
vis-à-vis du droit, est-ce qu’il pourrait dire aujourd’hui au Président de la
République que ce type d’activité n’avait plus lieu ? » Bien
embarrassé, Zabulon n’a pas directement répondu soit parce qu’il ne sait pas,
soit parce qu’il ne peut pas s’engager pour un service qu’il ne fait que
superviser. Cela a pourtant été l'occasion pour lui de préciser la position du
gouvernement. Nous ne ferons pas dans le secteur des écoutes, des opérations
massives de type chalutage qui sont illégales, coûteuses et inutiles. Nous ne
faisons que des harponnages ciblés.
En conclusion Guibert de la Ligne des Droits de l’Homme a
insisté sur la nécessité de corriger l’asymétrie entre l’état tout puissant et
le citoyen, l’importance de ne pas attenter aux libertés pour un motif
d’efficacité, en gardant une transparence réelle conservant à l’institution
judiciaire sa prééminence et son indépendance.
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