vendredi 12 décembre 2014

Les documents Snowden en libre accès ?

Lors de son passage à Paris en juin 2014, Glenn Greenwald avait confessé être débordé par l’ampleur de sa tâche, à savoir interpréter les documents dérobés par Snowden, les compléter, les situer dans leur contexte, supprimer les références susceptibles de mettre des personnes en danger et, enfin, les publier. A cet égard, il souhaite mettre en place un système  plus collectif sous forme d’une banque de données.

Le 15 novembre 2014, lors de la conférence « Slow Politics » de la Berliner Gazette, le chercheur Ben Kaden a proposé que les documents Snowden soient confiés à une bibliothèque publique de sorte qu’ils puissent être consultés, indexés (grâce à des outils d’indexation en accès libre) et commentés. Il s’agirait ainsi de sortir d’une politique de diffusion centralisée (autour de quelques grands médias internationaux) et court-termiste, et de troquer la chasse internationale aux scoops contre une approche collective plus pérenne et plus instructive.


A terme les documents de Snowden, de Wikileaks (Julian Assange et consorts) et de Cryptome (John Young) gagnerait d’ailleurs à être réunis, afin de constituer un corpus documentaire de première importance pour les journalistes, les historiens, les géopolitologues… comme, du reste, pour tous les citoyens se sentant tant soit peu concernés par ces révélations inédites dans l’histoire du secret d’Etat. Snowden qui est intervenu à Paris par vidéoconférence le 10 décembre trouverait là de nouveaux relais.

mardi 2 décembre 2014

Google, un partenaire de la NSA

Avec une valorisation boursière avoisinant les 400 milliards de dollars et quelque 50.000 employés dispersés à travers le monde, Google est aujourd’hui un acteur majeur de l’économie planétaire et, par extension, des relations internationales. Sa suprématie informatique n’est pas sans soulever des oppositions.
Julian Assange, le fondateur de Wikileaks retranché dans l’ambassade londonienne de l’Equateur depuis le 19 juin 2012, souhaiterait d’ailleurs en prendre la tête avec son nouveau livre When Google met Wikileaks qui dénonce la proximité dangereuse du géant informatique avec l’administration Obama. Pour Assange, qui a rencontré le directeur de Google, Eric Schmidt, en 2011, ce dernier est un brillant ingénieur jouant à merveille son rôle de ministre des affaires étrangères de Google. Connu pour son audace et sa curiosité insatiable, Schmidt s’est frotté au régime communiste de Pyongyang en janvier 2013, tentant de convertir cet « insoumis » aux bienfaits du village global. La Corée du Nord a en effet l’insigne particularité d’être  le seul pays au monde à n’être pas connecté à la Toile. Il y a, semble-t-il, plaidé pour une entente cordiale fondée sur la libre circulation de l’information. A ses côté, le fondateur de Google, Larry Page, fait figure de chercheur « politique » qui ne pense qu’à faire de Google la plus grande entreprise au monde.  C’est accompagné de Jared Cohen, le directeur de Google Ideas, une branche du géant informatique qui entend répandre la bonne parole démocratique et faire du state building sauce Google ou Obama (c’est au choix, mais pas d’inquiétude, ça a sensiblement le même goût) un peu partout dans le monde, qu’Eric Schmidt a rencontré Julian Assange, dans une petite maison de la campagne anglaise en juin 2011. Ils eurent une longue conversation, à partir de laquelle, entre autre, Eric Schmidt et Jared Cohen ont écrit « Le nouvel âge digital »[1]. Le livre précédemment cité de Julian Assange est à sa manière une réponse à l’ouvrage de ces deux édiles. Assange y soutient notamment que Jared Cohen, un proche d’Hillary Clinton, joue les VRP de luxe pour l’administration Obama, quand Schmidt, qui a sponsorisé avec une souplesse idéologique sans commune mesure les campagnes politiques successives d’Al Gore, George W. Bush, Obama et Hillary Clinton… Et Assange d’ajouter que Google est aujourd’hui l’entreprise américaine la plus investie dans l’installation, aux Etats-Unis, d’un vaste système de contrôle et de surveillance électronique de la population. La fin de la notion de vie privée, ce qu’a publiquement annoncé Eric Schmidt, semble donc être le corrélat, sinon la conséquence, de la mise en coupe réglée de la planète par Google. 

Dans les années 1970, les sociétés informatiques étaient clairement liées au complexe militaro-industriel. Aujourd’hui, les services de la communication de Google ou d’Apple font leur possible pour montrer un visage convivial voire amical (« friendly ») de leur entreprise. L’ère de l’optimisme technologique commença avec la promesse d’un internet libérateur de la création individuelle, Google étant le grand organisateur de l’information en ligne librement accessible.
Aujourd’hui Assange accuse Google de partager ses connaissances et ses renseignements avec la NSA, Apple de plafonner les salaires dans l’industrie des hautes technologies et de mener une politique de relations publiques visant à limiter toute opposition structurée. Malgré ces mises en cause récurrentes de Google dans la presse, le grand public reste fermement convaincu de l’opportunité individuelle et sociale d’utiliser son moteur de recherche, sa messagerie (Gmail), ses services de cartographie et de localisation (Google Maps)… Récemment, l’entreprise a néanmoins perdu un « gros client » : dans une déclaration publique, Mathias Döpfner, patron du célèbre groupe éditorial allemand Axel Springer, a dit craindre le pouvoir acquis par Google. Et d’ajouter que le géant américain menaçait désormais grandement l’indépendance des médias.



[1] Eric Schmidt, Jared Cohen, The New Digital Age: Reshaping the Future of People, Nations and Business, Knopf, avril 2013. Non disponible en français.