En introduction, Robert Darnton, président de la bibliothèque d' Harvard et historien du livre a présenté avec brio sa position:
Quand je tente de prévoir l'avenir, je regarde le passé. Un utopiste, Mercier, parle d'un futur où tous les livres auraient été brûlés, sauf les vérités essentielles. Google est une entreprise commerciale comme on l'a vu en 2008 où certaines bibliothèques ont accepté de payer Google pour avoir accès à sa bibliothèque numérisée. Google crée ainsi un monopole car il n'a pas de concurrent sur ce terrain, l'accord juridique couvre tous les auteurs et éditeurs. Ce monopole permet à Google d'en savoir beaucoup sur nous, de nous faire payer à diverses occasions, aucune clause n'empêchant l'explosion des paiements. On pourrait rêver d'une bibliothèque publique numérique avec une rétribution pour le service de Google.
400 mémoires judiciaires ont été déposés contre l'accord, avec des remarques de la France, du gouvernement américain. Google a repris son accord, la France devrait numériser tout son patrimoine, on pourrait scinder la bibliothèque publique entre ouvrages récents payants et ceux du domaine public. Quoi qu'il en soit, les bibliothèques doivent créer des coalitions pour gérer le défi du traditionnel et du numérique. Il faut créer une république des lettres plutôt que de laisser l'avenir se décider lors d'un procès qui s'annonce interminable aux États Unis.
Pour Bruno Racine, président de la Bibliothèque Nationale de France, la loi offre la possibilité de construire un fond numérique public en France. Les bibliothèques, une fois les fonds numérisés, devraient s'unir pour exploiter et hiérarchiser ces données. C'est pourquoi il faudrait explorer, sans préjugés, une complémentarité d'action avec Google sans renoncer au respect du droit d'auteur et de la vie privée.
Roger Chartier estime que le numérique signe la prééminence de l'anthologie. Il y a une incompatibilité entre l'idée de constituer des gisements de données et l'exigence publique de respecter les définitions du patrimoine, la connaissance historique et la rigueur scientifique.
Patrick Bazin, directeur de la Bibliothèque de Lyon a signé avec Google. Pour Google, les patrimoines libres de droit ne sont pas soumis à redevance. Aujourd'hui l'information, son accès et ses usages n'ont plus de limites. Ne dramatisons pas la numérisation du patrimoine. D'abord l'enjeu c'est la forme papier, le numérique relève de l'usage. Se développe aujourd'hui une ingénierie de la connaissance autour du patrimoine. Ces bibliothèques vont devoir utiliser leur patrimoine numérique pour développer une activité numérique de production, de réappropriation avec une mise en réseau des sources des informations, en créant des corpus ordonnées , des interfaces.
Daniel Renault, inspecteur des bibliothèques: Reprenons la trilogie fondatrice du livre: objet, marchandise, fermentation. 30% du patrimoine des bibliothèques, recueils factices , n'est pas documenté. Une vingtaine d'éditeurs mondiaux font la loi sur la vente d'abonnements numériques. Vu les budgets du grand emprunt, il va falloir faire des choix, pérenniser la conservation du numérique.
Darnton: A Harvard nous dépensons 3millions de dollars par an en abonnements électroniques. Avec Google, l'enjeu sur les 10millions de livres tient sur les 6millions de livres protégés par les droits d'auteur.
Pour conclure la journée Bruno Ory-Lavollée, magistrat, a estimé que Google, monopole de fait, devait rassurer en acceptant les clauses de non-exclusivité. Pour reprendre une analogie avec la mine, Google extrait le minerai, le trie et le distribue.
Si nous ne voulons pas être les indiens sur le territoire de la mine, il faut que les bibliothèques et les éditeurs jouent un rôle actif dans la sélection et l'indexation de fonds, dans la création de moteurs de recherche spécialisés. Il y a 20ans le vieux Jésuite, directeur de la Bibliothèque de Chantilly examinait les requêtes et indiquait les livres traitant du domaine. Aujourd'hui c'est Google. Il nous faut trouver une solution qui intègre la compétence humaine des bibliothécaires et les technologies de Google.
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