lundi 12 janvier 2009

Images par satellite, une planète transparente.

L’année dernière, un chercheur de la Fédération of American Scientist (FAS) a découvert sur Google Earth une scène rare. Alors qu’il recherchait des informations sur les bases militaires chinoises, il identifie le dernier modèle de sous-marins chinois Jin, équipé de missiles intercontinentaux. Le submersible était à proximité de sa base située au sud du port de Dalian. Pouvoir ainsi observer ce type d’événements montre qu’aujourd’hui la géopolitique est bouleversée.
Sites stratégiques et bases militaires de tous les pays sont maintenant constamment sous les objectifs des satellites civils dont les images sont disponibles grâce à Google et à Microsoft (Virtual Earth). Qu’il s’agisse d’une offensive militaire, de frappes aériennes ou de simples destructions, chaque événement est identifiable avant même que propagandes et désinformations ne brouillent les pistes. Les conséquences de cette transparence généralisée n’ont pas encore totalement été mesurées.
La révolution qui s’accomplit sous nos yeux est née en 1958 dans le cadre d’un programme militaire américain : le gouvernement a lancé un programme secret de satellites espions afin d’avoir des informations précises sur les programmes militaires soviétiques sans risque de se faire descendre ses avions espions U2. Les satellites américains Corona survolaient le territoire ennemi et leurs films étaient parachutés dans des zones amies où ils étaient récupérés par avion ou à terre. Ils ont ainsi fourni des images aujourd’hui déclassifiées d’une résolution au sol de 8 mètres, ce qui signifie qu’il fallait que les objets au sol aient au moins cette dimension pour être clairement visibles. Les photos étaient suffisamment bonnes pour donner une idée claire de l’étendue des forces militaires soviétiques. La génération suivante de satellites espions permit une définition inférieure à un mètre et diffusait directement les images prises.
La révolution est venue du secteur civil avec les images du
satellite français Spot qui, bien que n’ayant qu’une définition de 10 mètres, a permis d’ouvrir un considérable marché d’utilisateurs civils. Quand la définition est descendue à 5 mètres pour les images vendues par Spot mais aussi pour celles vendues par des sociétés russes qui rentabilisaient ainsi leurs programmes militaires, tout a changé. Lors de la première guerre du Golfe, un journaliste d’ABC découvrit grâce à des photos satellites russes, que le gouvernement américain mentait en annonçant que 250 000 soldats irakiens avaient envahi le Koweït. Ils étaient en fait trois fois moins nombreux. Cette transparence généralisée n’a fait depuis que s’accentuer. L’année dernière, un habitant de l’état de Washington à la recherche d’une maison a fait, grâce à Virtual Earth de Microsoft, une découverte incroyable. En passant au-dessus de la base de l’US Navy de Kitsap-Bangor, il a clairement distingué un sous-marin nucléaire au repos. Et ce qui l’a le plus étonné, connaissant un peu les sous-marins, c’est qu’on distinguait parfaitement son système de propulsion nucléaire. Or, cette pièce est la plus secrète pour un sous-marin de ce type, sa forme et sa taille donnent des indications précieuses sur les moyens utilisés pour assurer la discrétion de ses déplacements (bruits, bulles d’air). Quand ils sont en réparation les sous-marins sont donc toujours protégés par des hangars ou, au pire par des bâches. La photographie, mise sur le blog de l’internaute, a fait le tour de la planète au grand désespoir du Pentagone.
Le plus paradoxal de cette situation, c’est qu’elle est la conséquence des efforts faits par les militaires américains. En effet, c’est en 2003 que la
National Geospatial Intelligence Agency, service spécialisé de traitement géographique du champ de bataille, s’est intéressé aux activités d’une entreprise nommé Keyhole qui avait réussi à intégrer dans un même système de représentation, des images satellitaires et des images prises par avion. Grâce à une importante commande du Pentagone, Keyhole put mettre au point un service universel et performant, consultable sur Internet après le téléchargement d’un logiciel spécialisé. Le génie de Google fut de comprendre le potentiel de ce service, s’il était offert gratuitement aux internautes. La société fut rachetée et devint Google Earth, un des plus grands succès du monde de l’Internet. Le prochain post expliquera les raisons de ce succès.

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