vendredi 14 février 2014

Théorie des fuites

Professeur de sciences politiques à Princeton, Rahul Sagar a publié un ouvrage « Secrets and Leaks » dans lequel il fait une intéressante analyse de la relation complexe entre les secrets et les fuites. Le pouvoir de décréter une information secrète est toujours susceptible d’entraîner des abus. C’est là qu’intervient le lanceur d’alerte qui viole la loi pour révéler un abus. Bien entendu une telle action n’est pas sans risques ! Pour dénoncer une injustice mineure, on peut mettre en danger des personnes ou des institutions de manière disproportionnée. Sagar estime également qu’il faut s’interroger sur la personnalité et les motivations de lanceur d’alerte. Est-il de bonne foi ou partisan ? A-t-il pleine conscience des effets de ses révélations ? Pour lui, devenir un lanceur d’alerte se justifie quand son action se base sur la preuve d’un abus flagrant d’autorité publique, quand cette fuite ne met pas en danger la sécurité du pays et quand elle est limitée dans sa taille et ses objectifs. A partir de ce standard, les centaines de milliers de documents de Snowden et les 75 000 de Wikileaks peuvent être considérés comme injustifiés. Certains câbles d’ambassades américaines révélés par Wikileaks ont mis en danger des partenaires de la diplomatie américaine et lui ont fait perdre la confiance de beaucoup d’interlocuteurs. En revanche, les révélations de Snowden ont mis à jour une opération d’espionnage d’ampleur extraordinaire, totalement ignorée du public américain et de ses élus. Un débat sur cet état de fait a pu s’engager alors que personne n’imaginait même qu’il y avait sujet à débattre. Aujourd’hui nous ne savons pas si les révélations continueront au même rythme ou si un compromis sera trouvé entre Snowden et les autorités américaines, ces dernières abandonneraient la procédure ouverte contre le lanceur d’alerte en échange d’un arrêt des publications de documents secrets.

Aucun commentaire: