Après ce qui ressemble à un acte de guerre commis à Paris, il est utile de
savoir qu’il y a un bon usage de la surveillance électronique contre
le terrorisme !
Quand l’appareil de renseignement américain lutte contre Al-Qaïda et l’Etat
islamique, force est de reconnaître que leurs activités d’espionnage peuvent
trouver une justification aux yeux de l’opinion publique. Dans ce cadre-là, un
certain nombre d’ingénieurs ont inventé des dispositifs révolutionnant l’art
(immémorial) de la guerre. Parmi eux, Pete Rustan, emporté en 2012 par un
cancer[1].
Originaire de Cuba, qu’il avait fui à l’âge de vingt ans, avec son père
syndicaliste adversaire de Castro, Pete Rustan fait de brillantes études à
l’Université de Floride où il obtient un doctorat en électronique.
A sa sortie, il intègre l’US Air Force et y règle avec brio le problème des
perturbations électroniques affectant les avions de chasse. Énergique et
passionné par les recherches de solutions innovantes, il
travaille ensuite à la réalisation d’un satellite d’observation de la Lune
(Clementine) avant de concevoir de nouveaux système d’espionnage
électronique par satellite à orbite basse.
Après le 11-Septembre 2001, il renonce à sa retraite et s’engage, à son
niveau, dans la lutte contre le terrorisme en Afghanistan et en Irak. Après
plusieurs séjours sur les théâtres d’opérations, il constate que les soldats
manquent cruellement d’un dispositif intégré permettant de collecter en temps
réel toutes les données électroniques échangées sur le champ de bataille.
Rustan travaille alors à la mise au point d’un tel système, permettant de
visualiser, là encore, en temps réel, toute l’activité électronique d’une zone,
avec notamment la géolocalisation des différents signaux interceptés. Le
produit de ses recherches, le « Real Time Regional Gateway » (RTRG)
fut mis en service par la société SAIC.
Le RTCG a ainsi permis aux militaires américains en Irak de détecter à
temps l’activité de nombreux insurgés préparant des embuscades ou minant les
routes. Il facilite également la visualisation électronique globale du champ de
bataille : on peut ainsi suivre sur un écran l’évolution des combats,
tracer les communications ennemis comme celles de ses alliés, suivre le
mouvement des drones… Les dispositifs RT 10 et SHARKFINN de la NSA
en Irak ont été rendus possibles par le travail de cet ingénieur.
@War, le livre de Shane Harris[2] consacré au complexe
militaro-internet des Etats-Unis, paru en novembre dernier, suit les
pérégrinations d’un officier spécialiste du renseignement électronique
utilisateur des applications concues par Rustan. A partir d’une base aérienne
de drones située à Balad en Afghanistan, Bob Stasio dirige une brigade Stryker
et doit renseigner l’état-major. Avec l’aide d’interprètes, il pénètre les
réseaux ennemis, démasque leurs projets antiaméricains et dévoile leurs sources
de financement internationales. Chaque information recueillie sur le terrain
est rapportée à l’équipe de Stasio qui l’intègre au puzzle en perpétuelle
évolution qu’il constitue. Les troupes au sol sont réparties en petites unités
légères d’une vingtaine de combattants.
Grâce aux hackers qu’il emploie, les équipes RTRG réussissent à donner de
fausses informations et de faux ordres aux terroristes pour mieux les éliminer
ensuite. Des centres logistiques, usines de fabrication de mines et de vestes
piégées ont ainsi été démantelées. Ces faits d’arme doivent aussi beaucoup à
l’unité Tailored Access Operations (TAO), le département ultra secret des
hackers de la NSA. Ces experts de la lutte informatique contre le terrorisme
ont obtenu des résultats impressionnants ces dernières années lors des
opérations militaires en Irak. En 2007, on a dénombré 300 attentats à la bombe,
tandis qu’en 2008, à partir du moment où les équipes de Stasio ont été
opérationnelles, seulement 49 attentats. 4000 insurgés auraient ainsi été mis
hors d’états de nuire. De tels résultats sur un terrain aussi difficile, voilà
qui donne à réfléchir à tous les stratèges de la guerre future !
[1] Matt Schudel, « Pedro Luis Rustan, 65, aerospace and
surveillance innovator », Wahington Post, 7 juillet 2012.
[1] Shane Harris,
@War: The Rise of the
Military-Internet Complex, Eamon Dolan/Houghton Mifflin Harcourt, Novembre
2014 (anglais uniquement).
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