lundi 26 janvier 2015

Pete Rustan, héros de la guerre secrète



Après ce qui ressemble à un acte de guerre commis à Paris, il est utile de savoir qu’il y a un bon usage de  la surveillance électronique contre le terrorisme !
Quand l’appareil de renseignement américain lutte contre Al-Qaïda et l’Etat islamique, force est de reconnaître que leurs activités d’espionnage peuvent trouver une justification aux yeux de l’opinion publique. Dans ce cadre-là, un certain nombre d’ingénieurs ont inventé des dispositifs révolutionnant l’art (immémorial) de la guerre. Parmi eux, Pete Rustan, emporté en 2012 par un cancer[1].
Originaire de Cuba, qu’il avait fui à l’âge de vingt ans, avec son père syndicaliste adversaire de Castro, Pete Rustan fait de brillantes études à l’Université de Floride où il obtient un doctorat en électronique. 
A sa sortie, il intègre l’US Air Force et y règle avec brio le problème des perturbations électroniques affectant les avions de chasse. Énergique et passionné par  les recherches de solutions innovantes, il travaille ensuite à la réalisation d’un satellite d’observation de la Lune (Clementine) avant de concevoir de nouveaux système d’espionnage électronique par satellite à orbite basse.
Après le 11-Septembre 2001, il renonce à sa retraite et s’engage, à son niveau, dans la lutte contre le terrorisme en Afghanistan et en Irak. Après plusieurs séjours sur les théâtres d’opérations, il constate que les soldats manquent cruellement d’un dispositif intégré permettant de collecter en temps réel toutes les données électroniques échangées sur le champ de bataille. Rustan travaille alors à la mise au point d’un tel système, permettant de visualiser, là encore, en temps réel, toute l’activité électronique d’une zone, avec notamment la géolocalisation des différents signaux interceptés. Le produit de ses recherches, le « Real Time Regional Gateway » (RTRG) fut mis en service par la société SAIC.
Le RTCG a ainsi permis aux militaires américains en Irak de détecter à temps l’activité de nombreux insurgés préparant des embuscades ou minant les routes. Il facilite également la visualisation électronique globale du champ de bataille : on peut ainsi suivre sur un écran l’évolution des combats, tracer les communications ennemis comme celles de ses alliés, suivre le mouvement des drones… Les dispositifs  RT 10 et SHARKFINN de la NSA en Irak ont été rendus possibles par le travail de cet ingénieur.

@War, le livre de Shane Harris[2] consacré au complexe militaro-internet des Etats-Unis, paru en novembre dernier, suit les pérégrinations d’un officier spécialiste du renseignement électronique utilisateur des applications concues par Rustan. A partir d’une base aérienne de drones située à Balad en Afghanistan, Bob Stasio dirige une brigade Stryker et doit renseigner l’état-major. Avec l’aide d’interprètes, il pénètre les réseaux ennemis, démasque leurs projets antiaméricains et dévoile leurs sources de financement internationales. Chaque information recueillie sur le terrain est rapportée à l’équipe de Stasio qui l’intègre au puzzle en perpétuelle évolution qu’il constitue. Les troupes au sol sont réparties en petites unités légères d’une vingtaine de combattants.

Grâce aux hackers qu’il emploie, les équipes RTRG réussissent à donner de fausses informations et de faux ordres aux terroristes pour mieux les éliminer ensuite. Des centres logistiques, usines de fabrication de mines et de vestes piégées ont ainsi été démantelées. Ces faits d’arme doivent aussi beaucoup à l’unité Tailored Access Operations (TAO), le département ultra secret des hackers de la NSA. Ces experts de la lutte informatique contre le terrorisme ont obtenu des résultats impressionnants ces dernières années lors des opérations militaires en Irak. En 2007, on a dénombré 300 attentats à la bombe, tandis qu’en 2008, à partir du moment où les équipes de Stasio ont été opérationnelles, seulement 49 attentats. 4000 insurgés auraient ainsi été mis hors d’états de nuire. De tels résultats sur un terrain aussi difficile, voilà qui donne à réfléchir à tous les stratèges de la guerre future !

[1] Matt Schudel, « Pedro Luis Rustan, 65, aerospace and surveillance innovator », Wahington Post, 7 juillet 2012.
[1] Shane Harris, @War: The Rise of the Military-Internet Complex, Eamon Dolan/Houghton Mifflin Harcourt, Novembre 2014 (anglais uniquement).

Aucun commentaire: