mardi 9 juin 2009

La crise et le Cercle des Economistes

Ils étaient tous là, les économistes français de référence du Cercle des Economistes, invités par Michel Cicurel, Président du Directoire de la banque Rothschild. Ils ont tour à tour donné leur avis sur l’ampleur de la crise économique et sa durée. Dans un ouvrage collectif dirigé par Jean-Hervé Lorenzi et Pierre Dockès récemment sorti, l’alternative est clairement posée : Fin de monde ou sortie de crise ?

Jean-Hervé Lorenzi

En introduction, Cicurel tout en se défendant d’être économiste, estime que la crise vient du déséquilibre des échanges entre les USA et la Chine et de l’abondance de liquidités. Sur le sujet, il raconte qu’une entreprise qu’il conseillait, estimée à 300 millions d’euros, a été vendue 1 milliard d’euros à des financiers. « Ils sont fous ! » lui glissa le PDG. Deux ans plus tard, en 2007, la même entreprise était revendue 3 milliards d’euros. Aujourd’hui c’est Apocalypse no car il y a 2 milliards de personnes qui intègrent l’économie de marché, une véritable opportunité. Ce qui fait problème, c’est le processus de sortie de crise avec le débranchement graduel des aides de l’état et de son contrôle. Dans la crise actuelle, ce ne sont pas les moins régulés qui se sont mal comportés et dans ce domaine il faut être prudent, quand il y a des morts dans la cabine d’un avion c’est grave, mais c’est pire quand les morts sont dans la tour de contrôle.
Pour Jean-Hervé Lorenzi, tout indique dans la crise actuelle que nous changeons de monde et de mode de consommation.
Christian de Boissieu estime que le G20 semble être la structure la mieux adaptée à la gestion internationale de la crise, même si rien n’y est dit sur les inégalités des échanges internationaux et qu’on ne peut pas y poser le problème du dollar. Evitons de trop réglementer ce qui risquerait de multiplier les contournements.
Patrick Artus remarque qu’aujourd’hui, alors que le pouvoir d’achat stagne depuis 100 ans, on ne peut plus compléter les salaires avec les crédits. Le vrai problème sera de répondre au chômage de masse qui va se développer.
Laurence Boone analyse les fondamentaux de la crise, les Américains envisagent une crise en « V » avec une remontée rapide alors que les Européens sont moins optimistes avec des « W » ou une pente remontante lente.
Pour Christian Saint Etienne, dans cette crise, le seul vivier de croissance est de faire travailler la recherche avec l’entreprise et le capital risque. Pourtant rien n’est prévu pour cela dans les aides distribuées. Une partie de la recherche coince comme l’université et il faudra bientôt afficher les vraies valeurs d’un univers de fait hétérogène avec Dauphine et Rennes 3.
Autre problème, l’Europe qui devient un ventre mou avec une politique non coopérative de l’Allemagne qui coûte un demi point de croissance à la France. Et les Européens ne peuvent rien dire sur le dollar.
Quant à Obama, s’il a été élu, ce n’est pas parce qu’il est le chouchou du Nouvel Obs, mais parce que son programme est « America First » et qu’il est prêt à tout pour défendre l’économie américaine.
Olivier Pastré s’inquiète des limites de l’autorégulation car rien n’a été fait sur la rémunération des traders. A l’inverse, on peut craindre un contrôle excessif avec un commissaire du gouvernement dans chaque banque. Les nationalisations sont aujourd’hui considérées comme vertueuses. Il faut être MRP, modistes, réformateurs résolus et pédagogues.
Pierre Dockes trace les limites des capacités des économistes. Les Evangiles nous disent « Seul le Père peut dire le jour et l’heure. » Les prévisions des économistes font évoluer les gouvernements, la situation change et on ne peut pas reprocher, alors, aux économistes de s’être trompés. Il faudrait préparer une nouvelle macro économie mondiale adaptée à notre époque et disposer, à côté des spécialistes pointus, de généralistes nourris de culture et d’histoire. Newton a écrit : « Je sais calculer la chute des corps pesants mais je ne sais pas calculer la folie des hommes. » En conclusion, Jean-Herné Lorenzi regrette qu’en Europe, contrairement aux USA, il n’y ait pas un vrai travail sur un autre mode de production. Il ne suffit pas de sauver l’automobile et de fabriquer des ronds-points, spécialité nationale !

lundi 8 juin 2009

Money, money !





Autoportrait de Boggs sur un billet de 100 Francs suisses

En pleine crise financière, le papier monnaie redevient pour les artistes un sujet de prédilection. Après Marcel Duchamp et ses ready made monétaires, Andy Warhol et ses dollars lithographiés, une nouvelle génération s’attaque aux billets de banque. Le premier et le plus radical de ces artistes est le Brésilien Cildo Meireles qui a commencé son œuvre sous la dictature militaire. Après avoir tamponné des dollars et des billets nationaux de tampons pirates annonçant "insertions dans les circuits idéologiques", il grave des messages "subversifs" sur les bouteilles de Coca alors consignées et réalise de toute pièce de faux billets de Zero Cruzeiro illustrés au recto d’un indien Kraô et au verso d’un pensionnaire d’asile psychiatrique. Suit un zéro dollar illustré d’un Fort Knox. L’année dernière il a exposé à la Tate Gallery une remarquable tour de cinq mètres constitué de quelques sept cents postes de radios réglés à très faible niveau sonore sur des fréquences différentes. Babel produit alors une étonnante rumeur.
Le Japonais
Akasegawa Genpeï a été traîné en justice pour avoir détourné des billets de 1000 yens en carton d’invitation pour un de ses vernissages. Aujourd’hui, il se contente d’envelopper des billets de banque ou de les mettre en bocal.

L’Américain J.S.G. Boggs est un créateur acharné de billets, de pièces, de chèques. Son "Fun Bill" de 1 $ a été suivi d’une pièce d’1 $ en plastique, d’un billet suisse de 100 Frs où il paraît portraituré en "jeune homme en colère". Alors que l’artiste annonce vouloir vivre un an en ne dépensant que la monnaie qu’il fabrique, ses ennuis se multiplient. La police anglaise a fait fermer une de ses expositions, le "secret service" américain a confisqué 1300 de ses productions. Mais Boggs se débrouille bien, les musées achètent ses œuvres et il y a des collectionneurs qui contactent les commerçants qui ont accepté les billets de Boggs pour leur racheter un bon prix. Comme le dit l’artiste « Quand vous commercez avec une abstraction, la différence entre une valeur et rien du tout est très subtile. »

C’est au Cameroun que travaille l’un des artistes les plus étonnants du domaine. Pendant longtemps, Jean-Baptiste Ngnetchopa a sculpté des motifs traditionnels avant de commencer à sculpter des représentations géantes de billets de banque sculptés en bas reliefs sur bois. Tous les pays du monde l’inspirent mais il excelle dans la représentation de pays africains.

mardi 12 mai 2009

Internet, l’avenir de la presse !

La Bibliothèque de France est le théâtre de colloques et de tables rondes ouvertes à tous, souvent d’un excellent niveau. La table ronde du 12 mai avait pour thème : Nouvelles technologies et écriture de la presse. Faux débat ou vrai changement. En ouverture, Bénédicte Charles, responsable du site Internet de l’hebdomadaire Marianne relève un paradoxe, alors qu’Internet s’affranchit de toutes les barrières, décloisonne l’information et les audiences, les grands sites Internet d’information fédèrent autour d’eux des communautés de fidèles.

Edwy Plenel, ancien rédacteur en chef du Monde et patron du site Internet payant Mediapart se lance ensuite dans une brillante démonstration de l’importance d’Internet pour la presse. Premier phénomène à prendre en compte, la presse a perdu son monopole dans la médiation de l’information, chacun peut s’auto créditer, faire son blog. Second phénomène, la révolution que le numérique impose en réduisant à peu de choses les coûts de fabrication et de diffusion de l’actualité. C’est pourquoi Internet aujourd’hui est le lieu où s’élabore l’avenir de la presse d’information même si le numérique ne va pas tuer l’écrit, le papier. Autre élément fondamental, le rôle dans la presse en ligne du lien hypertexte qui permet au journaliste d’enrichir son article d’un accès à toutes les sources dans lesquelles il a puisé. Ces articles, enrichis, restent ensuite en disponibles sur le réseau.
Le plus grand atout d’Internet c’est qu’en supprimant la propriété de l’information par le journaliste au profit d’un réseau participatif. Les articles sont commentés par les internautes, les journalistes répondent aux commentaires, précisant et enrichissant leurs articles. Certes il y a des problèmes, des dérives comme dans tout système nouveau qui n’est pas arrivé à maturité. Reste un fait incontestable, la liberté d’expression et d’opinion est partagée entre les journalistes et les lecteurs, les journalistes se chargent de trier et d’amener les faits.

Pour Pierre Hasky, patron de Rue89, le point le plus positif de la presse en ligne c’est que le journaliste accompagne la vie de ses articles, répond et travaille avec la communauté des internautes. Les commentaires les plus intéressants, il y en a parfois 600 sur un article, sont isolés et mis en valeur. Ils laissent apparaître de réelles compétences, une anecdote : nous mettons en ligne un court article sur l’alcoolisme au lycée avec le lien sur le rapport officiel sur le sujet. Dans les commentaires un professeur nous raconte une expérience très intéressante vécue dans son établissement. Suite à nos encouragements, il rédige un article qui devient le plus lu dans sa catégorie.

Bénédicte Charles rappelle que dans son magazine, la plupart des journalistes ne supportent pas les commentaires, surtout quand ils sont critiques. A propos du travail du journaliste, elle soulève une tendance qui se développe, celle qui consiste pour ce professionnel à se borner à sélectionner les liens les plus intéressants. Mais qui va produire l’info en amont de ces liens ?

Plenel critique Le Monde qui utilise aujourd’hui une société marocaine pour pondérer les commentaires et rappelle que Mediapart n’hésite pas à investir sur de grandes enquêtes. Par exemple, une carte sur la précarité en France a été réalisée avec la technologie géocodée de Google ;
une étude sur les ravages de l’industrie pétrolière en Amazonie ou encore la reconstruction en Irak.

samedi 9 mai 2009

Sourires venus d’ailleurs.

La Corée du Nord fait de moins en moins peur malgré les efforts des amis de la guerre froide qui veulent interprêter le lancement d’un satellite comme une agression contre la sécurité de la région. Des images plus souriantes se font jour, j’en ai déjà parlé dans un précédent post. Le business s’y met également car la firme Samsung a eu l’idée géniale de faire une campagne de publicité où apparaissent les deux jeunes stars du nord et du sud. D’un coté la très délurée Lee Hyo-Lee qui aime s’exhiber en petite tenue, de l’autre l’exquise Cho-Myong-Ae avec son costume traditionnel. Les clips mettent en évidence la curiosité et la sympathie réciproque qui les rassemble. Titre de la campagne « un seul son ».

Eric Lafforgue est un photographe français indépendant qui a voyagé aux quatre coins du monde et qui publie régulièrement dans la presse internationale. Il a effectué deux voyages en Corée du Nord, l’un en juin 2008, l’autre en septembre de la même année. Son album remarquable est consultable sur Flickr. Il s’est montré particulièrement doué pour saisir au vol les plus jolies des nord coréennes qu’il a croisées. Un véritable enchantement.











Elle s’appelle Kim I Sin.












Un guide du musée de l’Armée de Pyong Yang.


















Soldat au polaroïd.












Sourire.












Le jour de la fête nationale (15 avril).











Danseuse, le 15 avril (ma préférée) !

Le tableau ne serait pas complet si l’on ne parlait pas de l’inévitable espionne nord coréenne, Mata Hari asiatique a la beauté fatale. Won Jeong Hwa est entrée en Corée du Sud en 2001 après avoir épousé un homme d’affaires du pays en Chine. Elle a faussement déclaré être une réfugiée du nord. Après avoir divorcé de son mari, elle s’est mise en ménage avec un officier de l’armée du sud coréenne à qui elle aurait subtilisé des informations. D’après le procureur sud coréen, elle recevait ses instructions lors des voyages qu’elle faisait en Chine où elle avait déjà sévi, faisant renvoyer en Corée du Nord plus d’une centaine de ses compatriotes réfugiés. Elle est également accusée d’avoir préparé des aiguilles empoisonnées pour exécuter des espions sud coréens. Elle risque aujourd’hui la peine de mort.

mercredi 6 mai 2009

Le portable, notre nouvelle boussole


Aujourd’hui il est temps de faire un premier bilan de l’usage du nouveau service de Google, Latitude, qui permet à un utilisateur de portable de signaler sa position géographique à son réseau d’amis. Eric Schmidt, directeur exécutif de Google, estime que les êtres humains ont toujours eu des capacités importantes de se repérer dans l’espace depuis l’époque la plus antique. Le chauffeur de taxi comme le chasseur développe cette capacité située dans l’hippocampe. C’est pourquoi la corrélation entre le cerveau et l’information géographique visible sur l’écran du portable se fait facilement.
Sam Altman, un étudiant de Stanford, a développé un service spécifique nommé Loopt, réservé à la communauté des étudiants. Ce système permet, à qui s’est inscrit sur Loopt, de voir sur le téléphone où sont vos amis et avec qui ils sont, et d’organiser des rendez-vous improvisés en fonction de leur proximité. Nokia compte bien équiper ses prochains portables des informations géographiques sophistiquées et a acquis les droits numériques de cartes détaillées de 69 pays.
Ce type de service pourrait devenir une ressource précieuse pour un nouveau type de publicité prenant en compte l’heure de la journée et le passage à proximité d’un « client » potentiel. Un marché qui pourrait devenir intelligent en tenant compte des habitudes et des consommations du client ainsi que des opportunités sous forme de promotion que peut faire le vendeur. Nous retrouverions ainsi la version électronique du bateleur de foire, de celui qu’on appelle en allemand « l’arracheur de mouches » car c’est par là qu’il vous attrapait.
Il est difficile de croire que les lois sur la protection de la liberté individuelle vont nous éviter un tel traitement. Il faudra également nous assurer que ces nouveaux portables boussoles ne vont pas durablement annihiler nos capacités à nous diriger dans l’espace par nos propres moyens. D’ores et déjà, le GPS de voiture nous a fait perdre quelque peu nos talents dans ce domaine.

dimanche 19 avril 2009

La planète téléphone en images

Grâce à la collaboration du MIT et d’ATT les habitants de New York ont vu au Musée d’Art Moderne, comment New York se connectait par téléphone avec le reste du monde. ATT a fourni pour toutes les connexions téléphoniques la date et l’heure, l’origine des appels, leurs destinations, le débit du trafic en megabytes. Le résultat, de merveilleuses cartes qui montrent les liens entre New York et toutes les capitales du monde, permettant ainsi de comprendre les dynamiques de la globalisation. Un mouvement que le professeur Carlo Ratti, concepteur du programme au MIT, qualifie de global et local.
Les diagrammes réalisés permettent d’identifier
des liens de type diaspora comme les coups de fil de Brooklyn et du Queens vers Jérusalem, des liens supranationaux entre Manhattan et Genève, siège des organismes internationaux. Il est également possible de voir l’importance à Manhattan des immigrés téléphonant à Saint Domingue, Toronto et Kingston (Jamaïque). Est également mesurable la croissance des communications des 400 000 Indiens appelant Bombay.
La même expérience a été faite pour Londres avec British Telecom, ce qui a permis de constater que la capitale britannique était une capitale beaucoup moins multinationale que New York. En France, il faut aller voir le site
Urban Mobs créé par l’agence Fabernovel et Orange Labs. Des présentations vertigineuses de l’activité des portables lors d’événements exceptionnels comme la Fête de la Musique ou le Nouvel An. Le même type d’expérience a été fait en Espagne, en Pologne et en Roumanie.

mardi 14 avril 2009

La guerre en images

Quand un pays envoie un satellite dans l’espace, personne ne souligne que l’espace est aujourd’hui un lieu où les activités civiles et militaires sont mêlées. Comment faut-il alors comprendre les cris d’horreur de la communauté internationale lors du lancement du satellite de la Corée du Nord ?
Le régime de Pyong Yang a eu droit à un traitement particulièrement sévère avec les menaces japonaises de détruire la fusée nord coréenne et les appels d’Obama à des sanctions internationales !
Entourée de voisins hostiles, la Corée du Nord est l’un des pays les plus fermés de la planète, campé dans un superbe isolement léniniste et nationaliste. Si le pays fait peur c’est qu’il mène une campagne de propagande incessante pour apparaître invincible et prêt à tout pour défendre son intégrité territoriale.
Sur ce poster les obus semblent bien destinés à éliminer le Congrès américain.

Une famille nord-coréenne à Noël c’est une famille de militaires chaussée de bottes noires.





Quand ils n’ont pas leur bébé dans les bras, ils brandissent leurs armes.








Pour avoir une image plus positive de la Corée du Nord il suffit de regarder quelques documents qui expriment le charme profond du pays même quand il s’agit d’une photo de militaire. Voilà un exemple.













La propagande nord-coréenne excelle également dans la réalisation de scènes paisibles comme cette image digne de figurer sur une boîte de chocolat suisse.